Gérard Fromanger (1939-2021)

 

Né en 1939 à Pontchartrain (Ile-de-France), Gérard Fromanger dessine et peint depuis l'enfance prolongeant l'inclination de plusieurs générations d'artistes qui le précèdent du côté de son père, lui-même peintre amateur. Après les études secondaires puis un passage à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris dont l'enseignement ne lui convient pas, il fréquente l'Académie de la Grande Chaumière. Le sculpteur César le remarque, lui prête son atelier et suit son travail pendant deux années. Fromanger se lie d'amitié avec le poète Jacques Prévert et Alberto et Diego Giacometti. Il réalise de portraits et des nus en camaïeu de gris.
1964 marque son entrée à la galerie Aimé Maeght, après son succès au salon de Mai et au Festival d'Avignon où il reçoit le premier grand prix.
Son portrait de Gérard Philipe en Prince de Hombourg (série des "Pétrifiés"), refusé par le salon de la Jeune Peinture en 1965 marque son changement radical dans l'approche de la figuration et sa rupture avec la galerie Maeght. Dans le même temps toutes ses œuvres de jeunesse disparaissent dans l'incendie de son atelier. C'est alors qu'il peint Première ombre au tableau (musée des Beaux-Arts d'Orléans) première silhouette rouge sur bois annonciatrice d'une recherche qui perdure aujourd'hui.
En participant à l'aventure de la Figuration narrative et à l'invention d'une “nouvelle peinture d'histoire”, Gérard Fromanger prend position pour une peinture impliquée dans son époque. Au moment où la société française connaît les soubresauts provoqués par les contestations de la génération de l'après-guerre, il est un des fondateurs de l'Atelier des Beaux-Arts en mai 68, atelier qui produit des milliers d'affiches militantes.
Atelier populaire occupation de l ecole des beaux arts de paris 1968
Puis il tourne des films-tracts avec Jean-Luc Godard. Au début des années soixante-dix, alors que les peintres sont désormais retournés dans leurs ateliers, Gérard Fromanger cultive cette présence au monde avec la série du "Boulevard des Italiens" que le Musée d'Art moderne de la Ville de Paris expose en 1971. Dans cette série se met en place un mode de représentation qui marquera son œuvre : un "paysage" de rue monochrome avec des silhouettes humaines, des passants en aplat de couleur vive. A cette époque, le peintre, très actif, devient l'un des animateurs du Salon de la Jeune Peinture. Il continuera à mener de pair son activité de peintre et de militant, à la fois au sein du Salon de la Jeune Peinture et dans le Collectif des plasticiens anti-fascistes dont il est l'un des créateurs.
En 1974, Fromanger, grâce au cinéaste militant Joris Ivens, fait partie d'un groupe d'artistes et d'intellectuels qui effectue le voyage en Chine, deuxième voyage autorisé après la reconnaissance de la Chine populaire par de Gaulle, tout de suite après le premier voyage deux mois plus tôt de Roland Barthes, Philippe Sollers, Julia Kristeva. Ce voyage donnera naissance à de nouvelles œuvres, comme par exemple En Chine, à Hu Xian (Centre Pompidou)

Dés lors, Fromanger s'attache à la représentation de scènes de ville, véritables paysages urbains, le plus souvent d'une seule couleur en camaïeu, avec certains passants en aplat rouge. L'artiste peint à partir de photographies qu’il projette comme reproduction objective, apparemment fidèle au réel, mais qu'il retravaille par la couleur pour en révéler une dimension critique et plus subjective de la société.
La réalisation de tableaux en séries organisées sur un même thème est aussi une caractéristique importante du travail de l'artiste. Et les thèmes traités portent sur la société contemporaine : la ville, la rue, la consommation, l'anonymat, les médias, les luttes sociales, etc.

Après la série "Boulevard des Italiens" (1971), Fromanger expose en 1973 la série "Le Peintre et le Modèle" à la Galerie 9 à Paris et entre à la galerie Jeanne Bucher où il présente la série "Annoncez la couleur".
Viendront ensuite d'autres séries : "Le peintre et le modèle "(1973), "Le désir est partout " (1974) qui tire son inspiration de son voyage en Chine populaire, "Questions" (1976) qui traite de la société de l'information et de la communication de masse.
En 1980, la série "Tout est allumé" qui associe figuration et abstraction, révèle une évolution importante du travail de Fromanger et est l'occasion d'une exposition au Centre Pompidou.
Au début des années 1980, l'artiste part travailler en Toscane, près de Sienne. C'est l'occasion pour lui de redécouvrir la peinture siennoise, la peinture murale étrusque, qui nourrissent son imaginaire pictural, exprimant son besoin permanent d'innover et de se ressourcer comme il l'avait déjà fait en peignant à partir des tapisseries de La Dame à la licorne (1979).
A cette époque, Fromanger fait moins appel à la photographie projetée et retravaillée pour construire ses toiles.
Dans la première moitié des années 1990, la série "Quadrichromies" sous-titrée "Peinture d'histoire, paysages, portraits, nus, nature morte, bataille" reprend de grands thèmes picturaux.
Projection toile
La "Série noire" (2002-2003) veut rendre compte, avec une palette de couleurs réduite au noir et au jaune, d'un monde dominé par l'argent et les mafias.
"Sens dessus-dessous" (2003-2006) retrouve la polychromie avec des silhouettes de toutes les couleurs qui évoluent dans un décor noir, uniforme, le tout exprimant l'irrationalité du monde.
La série "Bastille-Dérives" (2007) s'intéresse à un espace urbain particulier : le quartier de la Bastille où l'artiste a son atelier, quartier emblématique de ses nombreuses séries produites tout au long de sa vie de peintre.

Fromanger réalisera aussi, sous forme de réseaux de lignes colorées faisant progressivement apparaître un visage, de nombreux portraits parmi lesquels ceux d'intellectuels dont il a été proche et qui l'ont inspiré comme les philosophes Michel Foucault et Gilles Deleuze, le poète et critique d'art Alain Jouffroy ou celui de l'inventeur de la photo couleur Louis Ducos du Hauron.